Le Comptoir

Le vendeur n'est pas des plus avenants. Faut dire qu'un envoyé du Pays des Bisounours pour vendre des flingues, ça aurait fait tâche. Cependant, il est efficace. Vous demandez. Il vous donne. Vous payez. Et tout va bien dans le meilleur des mondes.

Au loin, se profile la vitrine hideuse de la seule armurerie potable du coin. Finalement, je commence à m'y habituer à cette boutique poussiéreuse. Faut pas se fier aux apparences. Ils ont un gros choix d'armes et malgré l'aspect miteux de l'endroit, ils se font pas chier sur les prix. Le vendeur me voit débarquer et je sais pas si c'est le fait qu'il m'ait reconnu mais il passe direct de la position "je lis mon magazine pépère, t'attendras que j'ai fini" à "vous voulez, mademoiselle ?". Ou c'est peut-être simplement les hormones qui le travaillent. Je vais droit au but, j'aime pas m'attarder dans c't endroit. Si je pouvais déjà éviter d'acheter des flingues, ça m'arrangerait.

Un Python et un Uzi, chéri.

Je dépose l'argent sur le comptoir et attend patiemment.

Oui, bien sûr, tout de suite.

Le vendeur a la sueur qui lui goutte du front. Il sait qui est dans sa boutique et qu'il faut pas qu'il déconne avec la patronne de la Vieille Ville alors c'est avec empressement qu'il va chercher les articles concernés. Il encaisse rapidement l'argent et c'est avec un léger sourire qu'il laisse partir une cliente qu'il, malgré sa grande aptitude à mater du nichon, n'a pas envie de revoir de sitôt.

Je prends mes flingues et les met dans le grand sac noir prévu à cet usage. Je pars en faisant un clin d'oeil aguicheur au vendeur. Me fera toujours marrer la sorte de peur que j'inspire depuis que j'ai pris la tête de la vieille ville. C'pas comme si j'avais le physique stalonnien non plus. Mais c'est plaisant tout de même. Maintenant, retour maison, déposer flingues et direction mon petit havre de paix qu'est la boutique d'armes blanches.

Edit MJ : -1150$

Après une marche assez grisante dans les ruelles pourtant peu rassurantes de Basin City, j'arrive à l'armurerie en question. Note pour plus tard : acheter un iPod. J'ai toujours aimé me balader en écoutant de la musique. Et vu que pour l'instant je vais être amené à beaucoup bourlinguer à pinces, un iPod ferait un bon compagnon. Enfin bref...

"Gun Shop", j'aurais pu faire franchement mieux niveau originalité dans l'appellation. Sérieux... Je suis pour la fantaisie. C'est pas parce qu'on vend des flingues qu'on doit se prendre plus au sérieux qu'un vendeur de bonbecs. "Le paradis du défouraillant", ou un truc aussi funky que ça. Je sais pas moi. Enfin bref...

J'entre, je suis sûr que le proprio est un triste connard qui se prend pour Rambo. Je vais me retenir de lui écrire un sonnet sur tout le mal que je pense de lui sans même le connaître. Déjà il a une tête de connard dénué de toute humanité, c'était sûr. Tu me diras, au moins il me fera pas de remarques à la con genre "je vous l'emballe ou c'est pour votre consommation personnelle?".

Je mate ce qu'il a en cherchant un Calico. Quand t'as utilisé une arme au point d'en avoir obtenu le nom, t'as généralement envie de l'utiliser ad vitam eternam. Hélas, c'est peut-être un peu underground pour l'armurerie de base. Mon regard s'arrête sur un lourd .357, Colt Python façon Dirty Harry. Et si je dois avouer que l'ésthétisme de l'arme ne me laisse pas de marbre, c'est de la branlette niveau artillerie. Du bruit, du poids, et six bastos par chargeur. Barillet si tu préfères. Ne viens pas me dire "oui mais c'est plus puissant", on est tous égaux devant une balle, peu importe ce qui l'a crachée. Je suis tenté de jouer le mec faussement nationaliste en me prenant un Desert Eagle made in Israël, mais je m'arme pas pour faire le Vietnam. Un Glock, voila ce qu'il me faut. J'arrive donc au comptoir, je pose une main dessus histoire de m'imposer.

-"Bien le bonjour. Je souhaiterais un Glock 19. Quelques chargeurs de 17 coups avec tant qu'à faire."

Le vendeur change progressivement de tête en voyant l'homme s'approcher de son magasin. Il commençait à s'habituer à reçevoir des belles pépées dans son armurerie. Une attitude qui devint vite hostile même quand l'homme franchit finalement la porte et qu'il put voir son visage. Ce n'est pas faute de vendre ses armes à n'importe qui mais notre vendeur est du genre vieux nationaliste américain plutôt KKK que melting pot. Mais un client est un client alors même si il lui fait comprendre que sa présence est indésirable, le vieux patron le fera pas dégager de sa boutique en sortant son fusil à pompe de derrière le comptoir. L'homme lui fait part de ce qu'il veut et sans un mot, il récupère le flingue et le pose sur le comptoir avec deux chargeurs.

370 $

A en juger par son regard, ce type n'aime pas les frisés. D'un autre côté, qu'attendre d'autre d'un propriétaire d'armurerie? Faut bien que les rednecks s'emploient quand ils quittent leur cambrousse. Je prend le flingue et les chargeurs puis je fourre les chargeurs dans ma veste et le flingue dans mon froc, à la ceinture. Vraiment pas pratique, il me faudrait un holster mais j'ai pas encore le temps de m'occuper de telles futilités.

-"Un plaisir."

Après un peu d'hypocrisie, je me barre. J'aurais bien choppé un Desert Eagle histoire de soutenir les miens, mais... Je peux pas me permettre. Un gros fusil à pompe sinon, c'est si classe.
Enfin bref... Demain soir, rendez-vous avec le gros Greg. A priori j'ai plus rien à préparer donc je me rentre... Histoire de me palucher et d'avoir l'esprit clair pour ma première heure de gloire à Sin City. Ma réputation va pas tarder à renaître de ses cendres.