Chez Vernon Thorpe...

... Ou plutôt chez Hattaway.


Un immense building d'architecture très moderne, jurant un peu avec tous les immeubles alentours, le genre de bâtiment ne s'accordant avec rien, tant sa singularité semble lui interdire toute relation avec le reste de la ville.
Un hall d'entrée abondamment décoré, tous styles s'y côtoient, l'oeuvre d'une personne fortunée mais sans goût, sans doute.

La porte massive en chêne sculpté s'ouvre sur un ascenseur de très grande taille, n'ayant pas échappé aux frasques du décorateur, on se demande pourquoi cette cabine est si grande qu'une équipe entière de football pourrait y entrer.


Dernier étage, une porte de chêne identique à celle du rez-de-chaussée s'ouvre directement sur un appartement occupant tout l'étage, avec terrasse circulaire et vue imprenable sur Basin City.

Vernon Thorpe y a établi ses quartiers, tant et si bien que si Hattaway devait rejoindre la ville un jour, une fameuse foire d'empoigne opposerait les deux hommes quant à qui garderait cet appartement.

Je me hisse dans l'appartement et cherche le boitier qui désactive l'alarme. D'après les infos de Elroy, j'ai deux minutes pour rentrer le code qu'il m'a fourni, sans quoi tout Sacred Oaks sera au courant de notre intrusion. Je repère un boîtier clignotant dans la pénombre. Je rentre fébrilement le code fourni par Elroy, en priant pour qu'il ne nous ait pas planté. Je valide. Le clignotement s'éteint. Pas d'alarme. On dirait qu'Elroy avait vu juste.

Je balaye la pièce du faisceau de ma lampe torche. Le hall d'entrée est plus grand que tout mon appartement, le salon est encore plus démesuré. Le mobilier semble sorti de la collection d'un musée d'art moderne, à moins que ce ne soit d'un film de science fiction des années 50. La baie vitrée offre une superbe vue sur le quartier, mais je n'ai pas le temps de m'y attarder. Je murmure à Aaron : "Vérifie les chambres pour voir s'il n'y a personne, on ne sait jamais."

Quant à moi, je me dirige vers le bureau et me mets au travail. Je repère le coffre et tente de me remémorer ce que je sais sur ce modèle. Je devrais en avoir pour 5 à 10 minutes, qui paraîtront comme autant d'heures...

Ah ah ! On dirait vraiment que Carmen fait la gueule, ça fait du bien de soupçonner quelques sentiments humains chez ce bloc de glace..
Le taxi nous dépose devant l'immeuble high-tech qui me sert de refuge doré, nous descendons, elle gère de nouveau les transactions avec le chauffeur, quel plaisir que d'être débarrassé de toutes ces tâches quotidienne, je deviens à mon tour un rupin...
Le vin semble m'avoir laissé plus de traces qu'escompté, je me sens léger et un brin hilare tandis que saluant le gardien à l'accueil j'actionne le bouton d'appel de l'ascenseur..

Nous montons elle tire toujours la tronche, la promiscuité de la cage en pleine ascension et la faible ébriété qui m'anime me font envisager des choses peu catholiques avec mon assistante de charme, je lui souris, je sens qu'elle devine les pensées lubriques qui m'animent et elle me renvoie un regard de glace, un regard qui briderait la libido d'un singe bonobo, vous pouvez me croire.

Tant pis, il me faudra penser à visiter la vieille ville un de ces quatres cependant.

L'ascenseur se bloque au dernier étage manifestant un signal sonore semblant vouloir évoquer la clochette d'antan, un pathétique bip numérique sans âme. J'ai soif.

La porte s'ouvre et je tend ma main vers l'interrupteur lorsque Carmen bloque ma main.. tiens tiens... Aurait-elle finalement envie de crap...

La suite je n'y comprend pas grand chose, elle me fait une sorte de clé de bras qui me projette ventre contre terre, je la distingue sortir son arme de son sac, je veux protester, merde alors, si elle veut se livrer à des pratiques un peu violentes qu'elle prévienne, mais elle plaque son doigt sur la bouche, avec un regard comme elle sait faire, un regard qui me fait comprend qu'il faut que je ferme ma gueule, que quelque chose cloche.

Et oui quelque chose cloche, je distingue une lueur, un peu de bruit.... Carmen fond dans l'obscurité tel un félin, arme à la main...

Merde.. C'était trop beau, les ennuis commencent...

Après quelques minutes de travail solitaire et acharné, mes efforts viennent à bout du coffre en acier. En l'ouvrant, il n'est pas difficile de répérer l'objet convoité par mes employeurs. Le dossier trône, seul entre quelques liasses épaisses et une boîte de cigares. On peut lire l'intitulé : "Affaire Martinez contre Hamilton". Je parcoure rapidement l'ensemble en me demandant quel genre de papelards peuvent valoir une telle expédition. Cependant il ne s'agit que de documents administratifs, de longs rapports qui n'offrent aucun intérêt à mes yeux.

À peine ai-je le temps de ranger le dossier dans ma sacoche que j'entend le bruit distinctif de l'ascenceur. Cela me rappelle que je n'ai pas eu de nouvelles de Aaron depuis que nous sommes entrés dans l'appartement. Sans prendre le temps de voler le contenu du coffre, je me dirige prudemment vers le salon. C'est peut-être une illusion, mais je crois voir une silhouette se faufiler dans l'ombre de l'appartement. J'avise la porte de secours qui donne sur l'échelle extérieure. Pour l'atteindre, il faut traverser tout le salon et passer à côté de l'ascenseur dont les portes sont maintenant grandes ouvertes.

J'espère que Aaron aura la bonne idée de se pointer, lui et son calibre, car je suis nu comme un ver. Plutôt que de foncer à travers le salon, j'attend de voir ce qui sort de l'ascenceur, à moins que mon coéquipier ne se décide à faire son entrée...

Je reste là, ventre à terre, durant les quelques secondes qui me paraissent autant d'interminables heures, je scrute l'appartement, me contorsionnant la nuque pour tâcher de déméler ce qui peut bien se passer là-dedans, je ne vois pas Carmen, je ne distingue aucune lueur, l'ascenseur s'est refermé derrière moi et tout ce que je déchiffre ce sont les vagues formes du mobilier de l'appartement...

Soudain un flash, les lumières s'allument brusquement et je plisse les yeux tant la rupture est violente.

Je distingue enfin Carmen, arme au point, braquant droit devant elle.

"Les mains en l'air, pas de geste brusque ! Au moindre soupçon je tire, je n'hésiterais pas une seconde" lance t-elle à un interlocuteur que je ne peux pas voir de ma position...
Elle semble avoir la situation en mains alors je me lève et me plaque dos contre le mur me faisant face, en quelques pas chassés sur la droite, je peux glisser ma tête hors de ma planque pour avoir une vue assez large du salon.
examen de la situation, Carmen est campée sur ses guiboles, armes braquée sur un homme, qui la fixe sans plus de réaction apparente, il semble tenir quelque chose, un dossier dirait-on... Allons bon.
Je la vois glisser un oeil quasi imperceptible en ma direction puis se diriger on regard devant elle, la moue qu'elle affiche je la connais, personne ne peut soupçonner un quelconque sentiment dans cette moue, mais moi je sais qu'elle m'a repéré elle qu'elle désaprouve totalement le fait que je joue les curieux.
Elle semble ne vouloir en aucun cas que je révèle ma présence. Ok. Je ne dis mot je reste là, mais je jette un oeil, on est chez moi que diable. La sueur dégouline dans mon dos...
Soudain un terrible sentiment m'assaille. Merde et s'il est pas tout seul ?

"Tu jettes ce que tu as dans les mains et tu lèves les bras en l'air, il n'y aura pas d'autre sommation."
Elle arme son flingue. et je dirais vu d'ici qu'elle ne bluffe pas.

Je n'ai pas le temps de prendre l'initiative, toutes les lumières de l'appartement semblent s'allumer d'un seul coup. Encore ébloui, j'entend une voix m'ordonner de me rendre. Alors que la vue me revient, je découvre le visage derrière cette voix. Un visage d'ange, aux traits fins et vaguement asiatiques, encadrés par une chevelure de jais. On pourrait croire que l'ange en question est simplement l'assistante personnelle de Thorpe, et c'est sans doute l'effet recherché. Mais ce serait ignorer la lueur féroce qui anime en ce moment ses yeux. Ce regard me fait comprendre que je n'ai pas affaire à une rookie. Comme si ça n'était pas suffisant, elle me donne à voir de près le canon d'un semi-automatique, et je n'ai pas de mal à croire qu'elle s'en servira.

Sans arme, et à bout portant je n'ai pas beaucoup de choix à part obtempérer. Pas la peine d'essayer une entourloupe, la furie aurait tôt fait de me transformer en passoire. Je pose doucement le dossier et mes outils, puis monte les bras bien hauts, sans toutefois cesser de scruter le visage de la jolie brune.

Ma vie est désormais entre les mains d'Aaron et de lui seul. Je prie pour qu'il arrive par derrière et se charge d'elle. J'espère avoir bien choisi mon équipier...