A cup of coffee

* Commissariat, fin de journée. Rien ne vaut une p'tite pause à la caféteria, histoire de se relaxer après une rude journée de travail. C'est donc dans un coin de cette large salle que je pris place, seul, à l'écart de tous. Dans la cafet', nous pouvions y trouver toute sorte de choses : Déjà y'a les tables, ensuite y'a des machines à cafés, un micro-onde, des sandwichs vendus au comptoir du milieu. C'était, en fait, une caféteria toute à fait banale, sans prétention.
C'était l'heure de la pause café, il y avait donc beaucoup de monde. Beaucoup s'etaient rassemblés à des tables; des amis, des collègues discutant d'enquêtes...
Pour ma part, le rassemblement n'était pas du tout mon genre. J'aimais à être isolé. Debarquer manger, puis retourner au boulot. C'était mon quotidien, et j'étais parfaitement heureux.

Alors que d'autre achetaient au comptoir, ou utilisaient la machine à café, moi je n'avais juste un simple geste à faire : mettre la main à mon sac et y sortir mon thermos et verser ma boisson caféiné dans un gobelet que j'avais moi-même apporté depuis chez moi. Les gobelets ici étaient-ils stérilisés ? N'y avait t-il pas de traces inconnues, de substances chimiques dans ce café qui seraient nefastes pour la santé ? Sait-on jamais. Mieux vallait prévenir que guérir..

C'est donc sans gêne que je fis couler mon propre café dans mon propre gobelet, et que j'me grillai une tige...*

Pénétrant dans la cafétéria, le jeune lieutenant avançait d'un pas lent, les mains dans les poches, il laissai, sans aucun gêne, ses chaussures claquer le sol sans pour autant attirer l'attention dans le brouhaha général . L'heure de la pause, l'instant ou il pouvait se glisser dans la cohue du commissariat sans instaurer un silence général, voila qui était plaisant... Voir à quel point la plupart de ces branleurs conversaient et rigolaient autour de leur boisson ou de leur bouffe, alors qu'ils s'écrasaient tous lorsqu'il le croisait dans un couloir, ou stoppaient leurs conversations si ils avaient le malheur d'entendre une griffe d'acier grincer tout près... Dans la foule, ils se sentaient fort...

Traversant tout aussi lentement la grande cafétéria, il n'eut pas un regard pour le moindre officier, pas plus pour un quelconque sergent ou inspecteur, bien peu de ces hommes méritaient son attention, et lorsqu'ils en méritaient, c'était bien trop souvent pour des raisons négatives... Aussi était-il inutile de lancer un froid à une quelconque table en observant d'un air appuyé l'un des attablé, il s'en chargerait très bien dans un futur proche, en tête à tête avec ces mêmes personnes qui se croyait à l'abri, entourés de leurs collègues .

Lorsqu'il parvint enfin à la massive machine à café, il sortit sa main droite de sa poche, tenant fermement une pièce entre son index et son pouce, tâchant, avant de la glisser dans l'ouverture crée à cet effet, de la griffer légèrement, pour le simple plaisir de voir tout les officier un tant soit peu nerveux grimacer au simple son crée . Puis, ceci fait, il planta son index à plusieurs reprises dans le petit clavier de la machine afin de commander son habituel café noir sans sucre .

Sans attendre, la machine s'ébranla, faisant tomber un gobelet avant de le remplir avec une rapidité toute relative du bouillant liquide bourré de caféine, durant ce court instant, Axel en profita pour jeter un regard circulaire dans la salle, poussant tout les regards qui l'auraient scrutés à se baisser rapidement, il posa le sien sur son collègue, le juif, tout seul à sa table, à boire son excellent café qu'il avait lui même préparé .

La machine bipa alors soudainement, ce fut le signal pour le jeune lieutenant, qui attrapa son gobelet brulant à pleine main sans crainte, laissant la douloureuse chaleur parcourir son annulaire et son auriculaire alors qu'il aurait put simplement le prendre par son pouce et son index argenté... Mais cela aurait été trop facile... Cela aurait fait prêter à sourire... Le lieutenant tyrannique, pas foutu de supporter la chaleur d'un pauvre café...

L'air plus détendu que jamais, il porta le gobelet à ses lèvres, laissant le café brulant glisser dans sa gorge avant de murmurer sur un ton étrange, comme un mélange de ressentiment et de plaisir :

- Dégueulasse...

Prenant une légère inspiration, il reprit la marche, s'approchant lentement de la table de James pour se stopper tout près de celle-ci, prenant une autre gorgée de café avant de prononcer de sa voix grave, pourtant aisément perceptible malgré les conversations ambiantes :

- Alors Edelmann, café, clope, on fume la vie par les deux bouts ? Ça m'étonne de toi...

Bien des années avant, il se serait laissé tomber joyeusement sur une chaise pour demander cela d'un ton amusé, mais c'était ainsi... Et puis, au fond, James était la depuis un certain temps, et l'avait toujours connu ainsi, Axel savait qu'il n'allait pas s'offusquer de cette remarque bidon... Au fond, si c'te juif avait été un de ses sous-fifre, il l'aurait volontiers promu lui même, et même si il ne l'admettrais jamais, pas même sous la torture, il lui inspirait un profond respect... Par ce que, contrairement à la plupart des types attablés dans cette salle, il avait déjà mis les mains dans la merde, la vrai... Et ne se contentait pas d'en humer l'infect parfum pour toucher son chèque à la fin du mois...

* Tout ce brouhaha aurait très bien pu me mettre hors de moi. Haïssant les endroits où les gens pulullaient, je me demandais bien quel idiot j'pouvais être pour me pointer à cette heure dans un endroit pareil. Epluchant aux hasards des dossiers, je me réjouissais déjà de coffrer la pourriture d'assassin qui avais descendu mon frère..Mon frère, mon petit frère.. Paix à ton âme, j'te promet de te venger.
Tirant des lattes sur ma clope, tout en absorbant une petite gorgée réchauffante de mon délicieux café "fait maison", le regard contre mes fiches, un son famillier sonna à mon oreille alors, à mon grand étonnement.
En décrochant mon regard, je sûs que c'etait Axel...Un collègue, un des seuls que je gardais en estime. Je n'irais pas à dire que c'etait ami, parce que je n'en avais pas; je n'en avais plus.
Ca m'surprenait qu'on puisse m'adresser la parole. La plupart des gens ici ne m'adressait pas la moindre syllabe du moindre mots. Disons qu'à force de foutre des vents à tout bout d'champs le matin alors que tout l'monde se salue, je pouvais comprendre que cela puisse en devenir lassant.
Mais bon, le resultat était qu'Axel se trouvait tout près d'moi et que l'échange du plus infime mot était comme une souffrance interieure.

- Et en quoi ça t'etonne ?

Je ne voyais vraiment pas ce qu'il tentait de dire par là. Je fumais une cigarette, et je buvais du café, où était le problème?
Il était rare, je l'avouerai, qu'on puisse me croiser sans un café ou une cigarette à la bouche.
N'ayant pas proposé à Axel de s'assoir, je détournai à nouveau mon regard de lui pour les replonger sur mes fiches. La plupart des gens ici savaient que je n'etais pas très bavard et encore moins sociable, du moins depuis quelques temps...

- Et en quoi ça t'étonne ?

La réponse ne s'était pas faite attendre et, de toute façon, n'était pas des plus surprenantes pour Axel, le Feuj n'avait jamais été des plus bavards, et pourtant, c'est drôle à dire, de tout les mecs au comico, c'était sans aucun doute l'un des flics avec lequel il conversait le plus...

En même temps, dirons nous... Lorsqu'on est un gros connard de lieutenant qui laisse pas le moindre officier, sergent ou inspecteur en placer une en sa présence, ça limite un petit peu les dialogues quotidiens, ça finit par les rendre inexistant en fait... Ce qui n'est pas plus mal, au fond, il aurait bien le temps de converser avec son chat si il atteignait la retraite, alors qu'a l'instant présent, comme depuis des décennies, et même avant sa naissance, le sang ruisselle dans les caniveaux de la ville, mélangé à la pluie omniprésente, quand ce n'est pas à la neige fondue...

Depuis combien de temps n'avait-il pas tenté de guetter une apparition du soleil entre les nuages acides crées par la pollution ? Des années... De nombreuses années... Mais il était loin de penser à ça lorsqu'il répondit enfin, alors que James avait déjà replongé son pif dans ses dossiers .

- Ça m'étonne, quelqu'un d'aussi discret... Qui veut casser notre abonnement aux plaques mortuaires "Mort en service" en nous faisant commander un "Mort de surmenage"... Ça, on s'en souviendrait de toi...

Cet humour morbide... Ouais, il aimait ça... En y pensant, il n'avait jamais vraiment su faire preuve d'humour, si ce n'est avec sa fiancée, ou à l'occasion, avec un pote ou deux, quand il voulait bien en rire, ou qu'ils se sentaient forcés par l'idée du flingue toujours prêt à servir son maître... Et en pensant à cette blague, il espérait bien faire honneur à ce commissariat en arborant un décès type "Un branleur à fini par avoir des couilles et l'a abattu", ça couterait cher en lettres... Mais pour sur que le responsable y mettrait volontairement le prix... Avec la couronne et une pétition pour que chacun puisse lui pisser dessus avant de le mettre en terre... Et qu'au fond, tout ces connards regrettent de ne pas l'avoir descendu eux-même... Ouais... Ce serait orgasmique... En faire des putains de frustrés à vie...

La charmante petite blague d'Axel, qui aurait sans doute fait rire ou bien réagir quelques uns, ne me fit pas même ciller. J'imagine bien son genre à lui, flinguant tout ce qui bouge, toujours prêt à l'action, allant même à coffrer des innocents...Mhm...Innocent, que dis-je, les innocent n'existaient pas ici. Mais bon. Personnellement, ce n'etait pas réellement mon mode d'emploi, et je ne pouvais pas lui en vouloir d'opérer de cette façon. Il fallait bien feuilleter quelques fiches pour se renseigner avant de passer à l'action; du genre récuperer des adresses. Il ignorait, comme tous les autres, l'affaire personnelle dans laquelle je m'etais investit depuis maintenant quelques temps. C'était la seule chose qui comptait pour moi à present. Les violeurs, la Mafia, les trafiquants de drogues, tout ce beau monde pouvait bien attendre...

A mon opinion, Axel pouvait bien faire partir d'un d'ces flics qui usaient de leur pouvoir illégalement. Mais ça, qu'en savais-je réellement. C'était juste un préssentiment. Reprenant une bouffée de nicotine qui obscurcit le coin où nous nous trouvions, je considerai Axel un instant.

- ... Il reste des plaques "Mort comme un bleu" au placard si tu veux.

Repliquant cette phrase d'un ton tout à fait naturel et neutre, je m'attendai aussitôt à réaction.
A nous regarder, nous avions l'air différent.

Finalement, je n'etais pas prêt à engager une conversation, et puis tout ce monde commençait à me donner chaud...La chaleur, ce n'était pas un truc anodin à Sin City..Ici il faisait pratiquement froid toute l'année. Et ça ne me déplaisait guère, j'ai toujours été sensible au froid d'canard, à la neige, au brouillard...Bref

D'un trait, je vidai le contenu de mon gobelet.

- Tu venais sans doute pour me demander de l'aide ?

Tout l'monde savait ici que j'avais pu mettre la main sur Harris, le Maire. Quelle pourriture celui-la quand j'y pense...Cela avait pu paraitre très courageux, mais aussi peut-etre inconciant pour nombres de gens.

Continuant de fumer, James analysa Axel un court instant, n'ayant même pas réagi à sa "blague", c'était clair, il existait un véritable fossé entre les deux hommes, entre le vieux flic qui gardait surtout son nez dans les dossier, réunissait des preuves, était adepte des tribunaux, pour trainer les criminels dans leur propre merde et le jeune flicard, toujours l'arme au poing, les dents serrés, à bouffer le plomb en continuant d'avancer, jusqu'à envoyer tout criminels retourner à la poussière...

- ... Il reste des plaques "Mort comme un bleu" au placard si tu veux.

Laissant s'échapper une légère exclamation d'entre ses lèvres, il fit tournoyer le reste de son café dans son gobelet, levant les sourcils d'un air blasé avant d'envoyer, finalement, ce fond de café dans son estomac avant de terminer par une petite phrase, d'un ton toujours aussi morne :

- Je m'en voudrais de piquer les plaques réservées aux hommes sous ton commandement...

Baissant son regard, il observa son gobelet vide, l'aplatissant lentement avant de l'envoyer avec agilité et nonchalance dans une des petites poubelles, tâchant, au passage, d'envoyer quelques gouttes dans le dos de certains des hommes qui ne prenaient même pas le temps de savoir d'où cela pouvait venir, ou alors, qui observait le regard des types en face d'eux, pour savoir qu'il ne valait mieux pas le savoir .

Se retournant ensuite vers James, il le vit vider son propre gobelet, reprenant ensuite la parole de son ton neutre quelque peu exaspérant :

- Tu venais sans doute pour me demander de l'aide ?

Relevant les sourcils, Husger trahit un certain étonnement, en effet, il ne s'attendait pas à ce que le Juif ne vienne à lui poser une telle question, ils se complétaient, c'était ainsi, mais pas au point de s'entraider, tout au plus en étaient-ils au partage et au tri des cibles, afin d'avoir un rendement optimal, entre le filtrage des pourritures finies, les intouchables, les petites frappes, ect... C'était tout, et c'était ainsi...

- La t'abuse un peu . Moi ? Te demander de l'aide ? Depuis quand tu viens sur le terrain ? Non... Je venais juste t'emmerder oralement... Puisque t'a plus de femme pour le faire, comme moi...

Le point sensible de James était de dévoiler ses sentiments à quelqu'un, et sa vie était un vrai tabou qu'il n'en parlait avec personne. Axel toucha un des points sensibles de son collègue, une de ces cordes de sa mémoires qui au moindre branlement était susceptible de le foutre en rogne.
La vie sentimentale de James était un champ de bataille; ça se remplissait, il y avait querelle, puis c'était désert. Ses expériences lui avaient causé tellement de souffrance. On lisait chez lui cette rancœur, cet air mauvais et dur de ceux qu'un excès de misère a accablés. Il ne pouvait à nouveau faire confiance à une personne, qu'importe le degré de sa volonté.

Tentant d'étouffer sa colère et de préserver son sang froid, un large sourire narquois se dessina à ses lèvres, et tirant une dernière latte, il écrasa ensuite ce qui restait de sa clope au milieu des cendres noires.
Ne sachant trop quoi lui repondre, il éprouvait le besoin de s'en aller et de vaquer à nouveau à ses occupations habituelles, délaissant tout ce rassemblement de feignant derrière lui et s'adonner à ses journées monotones..Mais étaient-elles vraiment si monotone que ça ? Peu de gens savaient ce qui lui traversait l'esprit du lieutenant, mis à part Axel, qui, loin de tout savoir, connaissait légèrement plus.

-....Quand comprendras-tu qu'offrir la mort à quelqu'un est tellement arrangeant pour lui? La prison a perpétuité est tellement plus...pénible, fit-il en accompagnant ses paroles d'un mince sourire qui voulait tout dire.

Ôtant une cigarette Red Apple de son paquet à l'aide de ses dents, il la grilla ensuite avec son Zippo, pompa puis pompa encore jusqu'à l'allumer et produire un large nuage de fumée qui s'échappait de ses narines. James s'éleva ensuite de sa chaise comme prêt à partir, puis fixa un instant Axel.

- Fais ton boulot, j'fais le mien. T'as ta technique, j'ai la mienne, et viens pas m'emmerder.

Ajoutant cette phrase d'un ton legerement menaçant, il fit un premier pas en direction de lla sortie. C'était sans doute, enfin à ce qu'il pensait, le monde autour de lui qui le rendait nerveux, et même désagréable. Néanmoins il esperait pour Axel qu'il s'etait fais comprendre...James n'etait pas du genre à perdre son temps avec des jeunes lieutenants comme celui qu'il avait en face, et encore moins de discuter quand il n'y avait pas grand interet, ou quand ces derniers lui faisait de sales reflexions.

Le sourire aux lèvres, le Juif tira une dernière fois sur sa clope avant de l'écraser lentement dans son cendrier, ni lui, ni Axel ne dérivaient leurs regards, comme si ils se mettaient au défi, jusqu'à ce qu'il ne reprenne enfin la parole :

-....Quand comprendras-tu qu'offrir la mort à quelqu'un est tellement arrangeant pour lui? La prison a perpétuité est tellement plus...pénible .

Puis, sans un mot de plus, le vieux lieutenant se ralluma une clope sous le regard neutre d'Axel, il n'en avait que faire de ce genre de remarque... Être arrangeant ou pénible... Il n'en avait fichtrement rien à foutre de ce qu'ils faisait aux criminels .

Sa seule philosophie était : "Baisser la criminalité à n'importe quel prix !", que le prix soit en hommes, ils étaient tous corrompus, en matériel, en fric, on avait des réductions et un budget quasi illimité, on bousillait notre réputation, depuis quand les flics étaient populaires ici ?

Quel que soit ses techniques, ses avantages et ses défaut, il faisait bien son boulot, et c'était le principal, il diminuait la criminalité avec un talent certain, et les résultats, c'était tout ce qui intéressait ses supérieurs, des résultats, quel que soit les techniques, du moment que ces mêmes supérieurs pouvaient se pavaner et voir que leurs objectifs étaient tenus, ils étaient contents, et le gardait à sa place, c'était ainsi qu'il avait pu tenir son poste de lieutenant pendant toutes ces années, et c'est ainsi qu'il ferrait jusqu'à la fin de ses jours .

Puis James le fixa à nouveau après avoir tiré quelques bouffée de sa cigarette :

- Fais ton boulot, j'fais le mien. T'as ta technique, j'ai la mienne, et viens pas m'emmerder.

- Ouais... Vas y... Reste dans ton coin, ça va t'aider... Mais n'oublie pas qu'un cerveau ne remplacera jamais ça...

A ces mots, il laissa ses prothèses couiner légèrement en détendant doucement l'articulation, de tel sorte que l'argent frottait longuement sur les autres pièces, c'était clair, Axel donnait plus d'importance à l'action qu'a la réflexion, il ne le cachait pas non plus, au fond, dans cette ville, il n'était pas très utile de faire preuve d'intelligence, les criminels intelligents étaient dépourvus de muscles, quant à ceux pourvus de muscles, même le pire lieutenant de police de l'histoire aurait été plus ingénieux qu'eux...

Axel observait toujours James alors qu'il se dirigeait vers la sortie, continuant de laisser résonner sa voix grave jusqu'à son esprit :

- Un cerveau sans muscles... Ça ne vaut pas lourd... J'ai la gâchette facile, mais je ne tire par sur n'importe qui, et tu le sait ! Tu sait que tu peux fouiller mon passé, y trouver tout ce que tu veux, d'anciennes affiliations qui pourraient rendre ma foi en la justice douteuses, des meurtres sans raisons, des crimes divers et variés... Mais tu sait que je suis ici depuis plus longtemps que toi, que je n'ai même plus à penser aux règles car je les aient gravées à même la peau... Quand elles ne l'ont pas remplacées...

James ne pouvait le voir, dirigé vers la sortie, mais Axel en était venus à griffer lentement la paume de sa main à l'aide de son "index" droit, il savait de quoi il parlait, et nul ne pouvait remettre en question le boulot qu'il faisait, pour la simple et bonne raisons qu'ici, tout hommes et femmes confondus, c'était bien lui qui avait perdu le plus, six doigts, sa fiancée, sa famille, sa pureté, son innocence, son honnêteté... Tout, il avait tout perdu... Et même James ne pouvait en douter, lui même avait beaucoup perdu, mais avait-il plus perdus que le jeune lieutenant ? Axel était sur que non, car le Juif n'avait jamais eut, à sa connaissance, à en arriver à se racheter une conduite, un honneur, une dignité... Tout ce que Axel avait du payer dans le sang et les larmes pour se donner une chance d'arriver au paradis lorsqu'une balle lui traverserait l'encéphale...

Son coeur se mit à trembler de plus belles. Les objections de Axel commençait à faire de mauvais effets sur le vieux lieutenant. Axel, qui faisait face au dos de James ne pouvait dénicher une expression de visage, et inversement pour le vieux lieutenant. Ce qui était sûr, c'est que James detestait qu'on puisse mettre en doute ses capacités mentales, et encore moins physiques. Et honnêtement, il n'y avait qu'à le considerer dans les moindres recoins pour y admettre qu'il possedait une carrure et une musculature perfectionnée. Certes, sa taille n'etait pas aussi étendue que celle d'Axel, mais néanmoins il était d'autant plus massif que lui.
Durant un instant, James voulût prendre Axel par le collet et, manifestement, lui exposer qu'il se méprennait. Mais quels auraient été les ennuis auprès des supérieurs hiérarchiques s'il agissait de la sorte ? Et à quoi surtout s'abaisserait-il ? James connaissait les règles, pas seulement les règles du "civisme", mais les règles qui forgaient une bonne reputation. S'abandonner à la violence, c'était une profonde marque de faiblesse. Seulement, nul ne devait en lire en lui, c'était capital pour lui.

Etablir l'ordre, James s'en était fait la promesse. Il abaisserait la criminalité de la manière la plus digne et honnorable possible. Sa philosophie à lui, c'était qu' « On ne combat pas la criminalité en devenant soit-même un criminel », et il était buté là-dessus, defendait ses positions fermement. Pareil qu'il était contre la peine de mort, qui était selon lui, un meurtre légal et parfaitement blâmable.

Le désordre lui avait causé bien trop de perte. Se mettant à penser à des visages perdus, son regard se bloqua dans le vide durant une fraction de seconde, puis, comme pour couvrir un semblant de sentiment, un leger rire se fit entendre. On ne pouvait definir ce rire, si c'était de l'amusement, de la raillerie...
Attrapant son sac d'une main, il prit une autre bouffée de sa cigarette de l'autre.
A chaques mouvements, on pouvait apercevoir chaques muscles qui se déplacaient, gonflaient...
James se contenta de rester silencieux. Ce n'était non pas qu'il admettait qu'Axel puisse avoir raison dans quoi que ce soit, mais il considerait qu'il ne méritait pas une quelconque réponse de sa part tellement la scène était ridicule. Axel et James demeuraient deux flics dissemblable d'une part de leur méthodes et de leur philosophie, mais qui possedaient néanmoins des points communs : ils avaient perdus des choses, et des personnes irremplacables.
Voilà la raison de leur état.

Jetant son gobelet à la poubelle, il dénicha ensuite de sa poche une petite serviette avec quoi il se lava les mains puis se retourna vers son plus jeune d'un air de dire "Et maintenant?"

Croisant le regard de James, le jeune lieutenant resta la, un long instant, immobile, gardant le silence dans le brouhaha ambiant, il restait droit, les yeux plissés, le regard perçant, les bras croisés . Dans cette position, il aurait été digne d'être le modèle d'une statue pour la justice .

Puis, au terme de cet instant d'immobilité, il décroisa les bras, plongeant sa main gauche dans sa poche pour en sortir son paquet de Winfield, l'ouvrant pour attraper avec douceur une cigarette avant d'aller la coincer entre ses lèvres . Puis, ceci fait, il échangea son paquet de cigarette avec son briquet, allumant la sienne avant d'en tirer une longue bouffée .

- Dis... Trêve de connerie... C'est quoi les nouveaux objectifs de la hiérarchie ?

Remettant son briquet dans sa poche, il prit vivement sa cigarette entre son index et son majeur, tâchant, comme il en avait prit l'habitude, de ne pas trop serrer ses prothèses et de finir par trancher le tube, avant de reprendre la parole, de cette voix grave, terne, sombre, sans âme :

- Depuis toutes les années qu'on est la... Je suis encore étonné qu'on nous force à stagner à ce poste, qu'on ne puisse décider nous même de nos objectifs, alors que c'est nous qui faisons tout le boulot ici .

Ramenant sa cigarette entre ses lèvres, il prit une nouvelle bouffée de nicotine avant de laisser un fin filet de fumée opaque rejoindre l'aquarium géant qu'était la caféteria, c'est vrai, il en avait plein le cul, plein le cul de stagner à son poste de lieutenant, alors qu'ils ne cessaient de perdre Capitaine et Commissaire, toujours trop usé ou trop conventionnels pour résister à la ville, sans qu'aucune promotion ne se profile à l'horizon, cela en devenait presque frustrant .

Du moins, cela aurait put le devenir si Axel n'avait pas désiré ce poste, pour le simple plaisir de pouvoir étendre sa tyrannie à l'ensemble du personnel du commissariat, et non seulement à ses équipes de bras cassés .

Jusque là, je n’avais fait attention qu’à mon costume et à la couleur de mon café que je brassais avec lasse de la petite cuillère en plastique qui m’a été fournie avec. Mais quand, dans un élan de diplomatie je me décide à relever les yeux pour considérer un peu plus mon environnement, je suis bien obligé d’admettre que ces choses qui fourmillent autour de moi comme des asticots sont bel et bien des êtres humains, et qu’en plus de ça ce sont mes collègues de travail, avec qui je serais amené d’une manière ou d’une autre à travailler flingue en main.

La plupart ont l’air d’être à peine sortis de leur couche - loin des clichés que je m'étais fait d'eux avant de débarquer ici - et pendant que certains m’affublent de leur politesse désintéressée pour me souhaiter la bienvenue à Basin tel des robots programmés à la sainte et très noble politesse, l’un des flics à côté m’éclabousse la veste en essayant d’envoyer son gobelet à café dans ce qu'il a pris pour un panier de la NBA : la poubelle. Je vois son verre... glisser longuement sur le bord, avant de s’écraser... lamentablement... par terre, loin du trou dans lequel il était sensé retomber. Je soupire plus que ça ne m’énerve, quelle plaie... À quoi bon faire une chose pareille si tu es mauvais au Basket, hein ? Évidement, je m’en fous un peu, mais j’espère pour le bonhomme qu’il tire mieux avec un flingue en main qu’il ne marque des paniers dans une poubelle à deux mètres de lui.

Face à tant de lassitude, je finis par perdre mon oreille dans la discussion que tient cette curiosité biologique avec ce qui semblerait être un chauve d'une cinquantaine d'années. Je comprends vite que le bonhomme en question est en fait gravement dépressif, et que le chauve a coté doit en avoir marre d’entendre ses lamentations. Je me demande s’ils sont tous comme ça ici, ou si c'est pas leur liquide répugnant "Mad in America" pondu dans des petits cônes en plastique qu'ils tentent de faire passer pour du café qui les rend si cafardeux ?

Bref... Dépité par ce que je viens d'entendre, lasse de décorer la machine à expresso sur laquelle je m'appuie, je me décide bravement à siffler mon verre de son liquide américain avant de m’éloigner de ces tragiques propos dont je me fiche complétement.