Rendez-vous au palais

Le Poppa's Olympian Palace. Sacré palais, oui... sans parler des dieux qui viennent y manger. Un type m'a donné rendez-vous ici même, une vieille connaissance de prison nommée Elroy. Un petit voyou sans aucune envergure comme il en existe tant, prêt à vendre sa soeur pour un billet, et trop froussard pour faire quoi que ce soit qui mérite d'être payé. Apparement Elroy veux me refiler un tuyau. Le bon vieux jeu de l'indic et du poulet. Bien sûr aujourd'hui je ne suis plus autant en position de force, je joue le jeu d'égal à égal.

Je rentre finalement dans le restau grec... Quelques mois auparavant, un carnage sans nom a eu lieu ici même, mais aujourd'hui, le vieux Poppa est à l'oeuvre sans rien laisser paraître. Totalement ignorant des coutumes grecques en matière d'apéritif, je commande une bière. Je sais que mon indic ne sera sans doute pas à l'heure, alors autant me mettre à l'aise. En fait il y a même peu de chances pour qu'il vienne, et encore moins pour que son tuyau soit valable ou intéressant. Mais bon, je n'ai rien de mieux à faire qu'attendre en siropant ma blonde, tout en jettant de temps à autre un regard irrité à ma montre.

Voilà une heure et demi que j'attends... Je vide ma troisème bière tout en grignotant une entrée au nom imprononçable. J'avais oublié à quel point je déteste la bouffe grecque!

Cette fouine d'Elroy est sans doute défoncé à l'héroïne en ce moment même. Des étoiles dans les yeux et un garrot autour du bras, il aura complètement oublié notre rendez-vous. L'hypothèse est plausible, et les chances qu'il vienne sont désormais minces. Je me lève de table et m'apprête à sortir sans laisser de pourboire.

Finalement au moment où je franchis le seuil, un client pressé de rentrer me bouscule. C'est Elroy qui s'écrit :

"Bah où tu vas, t'as oublié qu'on avait rencard? Allez viens t'assoir."

Sans noter la remarque, j'obtempère. J'ai assez perdu de temps sans m'embrouiller avec lui. Il s'assoit et commande avec assurance son repas. Il a visiblement ses petites habitudes chez Poppa.

"J'adore cette bouffe, je pourrais en manger jusqu'à éclater!"

"Fais au plus court, je suis pas venu pour te voir manger, et encore moins pour t'en entendre parler."

"C'est la prison qui t'as fais perdre tes bonnes manières? Un charmant restau comme ça, faut prendre le temps de profiter, non? Si t'es pas venu pour manger d'ailleurs, pourquoi t'es là?"

Je lui lance un regard noir qui lui fait comprendre que je ne suis plus d'humeur pour les plaisanteries.

"Ah oui, tu veux parler du job... Je vois. Eh bah écoute, il paraît que tu as des talents de serrurier et de déménageur. Enfin c'est ce qui se dit dans le quartier. Il se trouve que j'ai un truc qui te conviendrait, un des mes contacts a besoin d'un petit coup de pouce."

"Un des tes contacts? On peut savoir qui?"

"Enfin Greg, tu débarques d'où? Je vais quand même pas te filer son nom, sinon je sers plus à rien. Bref, je reprend. Il faut juste que tu entres chez quelqu'un, que tu prennes un malheureux dossier dans son armoire, tu repars et tu ramasses une jolie prime à la sortie. Tu vois, y a pas plus simple."

"Mouais, enfin si c'était si facile, on aurait pas besoin de moi."

Un client derrière Elroy commence à nous jeter des regards, visiblement intéressé par la conversation. À nouveau, mon regard lui fait comprendre qu'il aurait plutôt intérêt à regarder son assiette de mousaka.

"Qui dois-je visiter? Où? Et comment est la sécurité?"

"Le type est un jeune procureur, un nouveau en ville. Tu en as peut-être entendu parler... Un certain Thorpe, Vernon Thorpe je crois. Il habite à Sacred Oaks, dans un bel hôtel particulier. C'est plutôt bien gardé, enfin tu sais comment sont les bourges dans ce secteur. Mais pas d'inquiétude, on a de quoi te rencarder sur tout ça, tu ne devrais pas avoir de mal à passer. Oh et autre chose, il va te falloir un équipier."

"Un équipier? C'est pas vraiment dans mes habitudes. Je préfèrerais ne pas avoir à partager le pactole."

"T'as pas le choix ; question de confiance j'imagine. Et t'inquiète pas pour le pognon, il y a largement assez pour partager. Tiens appelle ce numéro, le type est réglo et sera capable de t'aider."

Il griffonne un nom et un numéro sur un bout de serviette. Un certain Aaron. J'espère qu'Elroy ne s'est pas trompé sur son compte, car je ne tiens pas à avoir un boulet dans les pattes. D'ailleurs au premier signe de faiblesse, je n'hésiterais pas à le lourder.

"Alors l'affaire te tente?"

"Ma foi, il faut bien payer les factures."

"Ok, je te téléphonerais pour les ultimes détails. Et à propos de payer les factures..."

Elroy me sort son sourire de marchand de tapis. Je laisse un billet sur la table qui paiera plus d'un repas grec. Je sors du restau et sans perdre de temps, je téléphone à Aaron depuis une cabine téléphonique, en me demandant sur qui je vais tomber. De longues sonneries, puis une voix répond...