Confession d'un homme d'Eglise

La charmante Eglise St-Patrick de Basin. Ses contours se dessinent petit à petit au travers des vitres de la voiture qui m’y mène. Aussi vide qu’à l’accoutumé. Croire en Dieu dans la ville du pêché semble contradictoire, n’est-ce pas ? Pourtant, j’aime à penser qu’il reste de l’espoir dans ces âmes impures, qu’il suffit de ramener ces brebis égarées sur le droit chemin. Que ce soit leur choix ou non, il est impératif d’assainir ce nid grouillant de vermine. Dieu n’a pas fait tant de cas à ceux qui s’opposaient à sa pensée. Sa pensée était juste donc était l’unique pensée à suivre. Pourquoi vouloir adapter ses règles en fonction des autres comme l’a de si nombreuses fois fait l’Eglise pour ne pas s’attirer les foudres de la population ? Si on considère ses règles comme les règles à suivre, on est au-dessus de cela. Au-delà de penser à l’opinion des autres. Au-delà de penser à sa réputation. On détient la vérité, simplement.

Les brebis égarées protestent, pestent en cherchant leur chemin. Elles se perdent, s’égarent, vont même jusqu’à oublier d’où elles viennent. C’est pour cela que, bien souvent, elles se retournent vers leur bienfaiteur, celui qui, leur semble-t-il, les a menés à cette situation. Ce n’est qu’après avoir affronté ces épreuves qu’elles sont prêtes à revenir exprimer leur pardon. Et plus les épreuves sont dures, plus la rédemption est facile. En cela, je veux aider ces jeunes pécheurs. Je ne leur promets pas le bonheur facile. Je leur promets la souffrance, le désespoir menant à ce bonheur. Alors, autour de moi, se dresseront autant de visages reconnaissants d’avoir enfin retrouvé leur chemin. Je ne dis pas que tous m’accorderont cette reconnaissance, ce serait accordé trop de confiance dans le genre humain. Certains ont le mal au corps et rien ne pourra l’en défaire. Le mieux à faire est donc d’éteindre ce mal en même temps que ce corps.

Pour réaliser cela, j’aurais besoin d’exécutants fidèles, adhérant à ma vision des choses. Je ne peux me permettre de travailler avec des personnes capables de retourner leur veste car leur idéologie n’est pas assez forte. L’appât du gain. La facilité. Tant de choses pourraient les détourner de leur but et je ne veux pas de cela. Devant moi, se dresse l’Eglise St Patrick. Un prêtre à l’intérieur. Aaron Azraël se fait-il appeler. L’Ange de la Mort. Je ne suis pas sans savoir qu’un tel nom implique des actions fidèles à ce patronyme. Des rumeurs courent. J’entends des choses. Un prêtre qui jouerait au justicier la nuit. Honnête ? A lui sûrement. Juste ? Nous verrons. Je me suis décidée à faire le déplacement moi-même pour voir cet étrange personnage. Mes pas résonnent dans la grande salle muette. Pas de prêtre en vue mais je crois voir dépasser une robe du confessionnal. Et bien, allons à confesse.

Pardonnez-moi mon Père car j’ai pêché et je ne pense pas m’arrêter ici. Pourtant, ce que je fais me semble juste. Des actions peuvent-elles être pardonnées par la foi ?

L’anonymat a quelque chose de très reposant. Ici, je pourrais être n’importe lequel des habitants de cette ville. Un assassin. Un violeur de petites filles. Un cambrioleur. Cela ne ferait pas la moindre différence. J’aimerais juste entendre ce prêtre, entendre ce qu’il sert à ces personnes s’asseyant ici même. Cela sera une bonne introduction.

Le confessionnal, antique meuble de bois sombre à l’âme des temps anciens. Comment cette relique ancestrale a-t-elle pu résister aux assauts du temps et de la violence coutumière dans cette ville maudite ? C’éait à proprement parler un miracle, et si elle est là aujourd’hui, c’est par la grâce du Tout-Puissant. Bien sûr, il n’est pas neuf. Bois noirci par les années, coins abimés et fêlures sans gravité. C’était un lieu calme, paisible, où peu de personnes passaient, et si elles le faisaient, c’était toujours en silence, dans la honte d’être aperçu en train de marchander avec les instances divines…

Mes doigts pâles caressent une strie d’ombre dans le bois sombre de mon sanctuaire, celui qui m’a été accordé par les grandes instances religieuses gouvernant cette église. Cet endroit me rassure, m’apaise et me rapproche du Créateur de toutes choses. Ici, nul ne peut voir mon visage blafard, mes yeux inquiétants et mes cicatrices. Ici, nul ne me juge, puisque juge, c’est moi qui le suis, outil d’un tribunal divin qui parle par ma voix. Combien d’âmes errantes ont retrouvé la foi en suivant les préceptes donné par les évangiles, textes saints et autres bibles ? Combien d’hérétiques ont été remis sur le Droit Chemin d’une vie chrétienne en faisant don de leurs possessions à l’Eglise, pour le bien de Dieu, et pour mon intérêt personnel, servant la volonté divine.

Deux heures, maintenant, que je me tiens immobile, prostré dans une prière interne visant à communiquer tout mon désarrois sur cette cité maudite, ville du vice et du pêché, peuplé d’ignorants inaptes à la foi et au message pur donné par l’Eglise. Deux heures de silence oppressant, deux heures de douleur bienfaitrice dans mes genoux calleux appuyés contre le si cher bois de mon confessionnal…

Et des pas…

Des pas résonnant sur les dalles de pierre de l’Eglise St-Patrick, témoignage auditif fort rare. Toujours les yeux fermés, j’analyse la démarche de l’être qui, indéniablement, s’approche de moi. Il semble sûr de lui, confiant. Sans doute un homme d’importance, un gros bonnet et non un péquin hésitant et peureux de se montrer. L’être s’installe sur le siège du confessé, non sans moins d’assurance, et mes yeux macabres s’entrouvrent sur mes paumes jointes. Et les paroles, la voix, le timbre autant que le contenu se tintait aussi d’une assurance presque provocatrice. Cet homme était là pour une bonne raison, et je ne sais pas si je dois m’en méfier ou abonder dans son sens, voir en lui une âme à la recherche de croyances, ou assuré de trouver ici une oreille à ses soucis internes… une simple confession, qui demande une réponse basique, habituelle, presque ritournelle… Mes lèvres s’ouvrent lentement, et une voix profonde et calme résonne dans l’intimité des murs de bois…

« Nul pêcheur en mal de Dieu ne sera abandonné par le Seigneur, mon fils. L’absolution des péchés est le point final d’un parcours de croyance en la puissance du Tout-Puissant. Oui, je peux apporter le salut à votre âme, oui, vos actes peuvent être pardonnés par l’œil, pour peu que je sache combien vous croyez et que j’en sois assuré… »

Introduction, commencement, nativité d’une relation dans laquelle je sortirais plus fort, soit en renforçant les rangs des brebis se joignant au Seigneur, soit en éliminant par le sang une impureté crasse peuplant cette cité.

« Allons, mon fils, racontez-moi quelle raison vous a poussé à venir vous confier à l’Oreille Divine… »

Et mes lèvres se referment, laissant seuls mes yeux ouverts à moitié dans la pénombre poussiéreuse de mon antre…

Silencieusement, je souris. L’idée seule qu’un prêtre faisant preuve de tant de foi et d’altruisme puisse être la main vengeresse d’un Dieu faisant peu de cas de la rédemption me paraît si peu crédible que c’est justement la raison qui me pousse à y croire. Cet homme serait donc expert dans l’art de la dissimulation. Une qualité rare dont j’ai besoin. Il énonce le désir de connaître la raison de ma venue. Bien entendu. Je ne vois pas de raison de pousser le jeu de l’anonymat plus en avant. Après tout, si il n’est pas prêt à entendre ce que j’ai à dire, il connaît sans doute, en revanche, mon statut et mes relations. Même si l'idée de briser le silence suivant la confession lui prenait, je ne pense pas qu’il témoignerait contre moi pour des motifs totalement loufoques aux yeux de la police ou d’un juge. Des preuves ? Il n’y en aurait aucune. Au pire, serait-il pris avec un peu de considération par quelque journaliste peu scrupuleux dont les affaires ne marchent pas fort et qui ne porte pas l’Eglise dans son cœur. Rien de bien important.

Et bien, mon Père, je tâcherai d’être sincère. Je pense que vous et moi sommes ici, sur la Terre offerte par notre Seigneur, pour la même raison. Eradiquer l’esprit malin et mener les nobles âmes vers la paix. Je dirais même que le Tout-Puissant nous a conféré les mêmes outils pour ce faire. Cette croix autour de votre cou n’est-elle pas identique à la mienne ?

Des indices. Je ne veux pas le brusquer. Accepter l’idée qu’un homme d’Eglise ait pu pécher peut être difficile pour un prêtre sauf dans le cas où celui-ci partagerait mes idées. Ne sommes-nous pas hommes avant tout ? Les péchés ne sont guère excusables mais voués à une noble cause, ne sont-ils pas le reflet d’une bonne âme ? Je laisse l’idée faire son chemin. Peut-être a-t-il déjà des idées sur mon identité, peut-être sent-il la panique monter en lui de savoir son deuxième visage découvert ou bien est-ce la colère ?

Je n’irais pas plus avant sans vous laisser découvrir mon visage, mon Père. Vous l’aurez compris, je ne suis pas ici pour une confession ordinaire. Marchons donc un peu.

Je patiente quelques instants, attendant des paroles, un geste du prêtre et me lève, sortant tranquillement de la petite alcôve.

Les yeux toujours mi-clos, j’attends la réponse de l’homme pendant une longue et profonde respiration silencieuse, presqu’un soupir latent. Et les mots viennent de cette voix sombre qui m’a interpellé quelques secondes auparavant. Les mots, s’il faut les croire, se disent sincères, et commencent par une supposition fort juste, bien que surprenante venant de la part d’un bigot venant se confesser. Ainsi, l’homme invisible à mes yeux laiteux croit être lui aussi un instrument divin pour débarrasser cette cité du vice qui la nécrose. Et les paroles qui suivent renforcent cette idée tout en l’annihilant : ça n’est pas un pêcheur en confession, mais un homme d’Eglise que j’ai en face de moi, toujours s’il faut en croire ses paroles, puisque cette croix dont il parle ne m’est pas visible…

Quelle est donc la raison de cette visite ici ? Une demande de service, une absolution de péché proférée par un prêtre, un curé ? Je ne puis pas voler un serviteur aguerri du Seigneur tout puissant, et cet homme, s’il connait mes méthodes, doit se douter que je ne lui demanderai pas de compensation matérielle contre le Pardon divin : son engagement auprès de l’Eglise suffit… Pas de compensation matérielle… peut-être est-ce trop vite énoncé. Pas de compensation directe, en tout cas… Mais les pécheurs, quels qu’ils soient, ne doivent-ils pas payer pour leurs crimes ? Tout dépend dans quelle optique ils ont été perpétrés. Si c’est pour la Grâce de Dieu, ils seront pardonnés. Si c’est par appât du gain, le partage avec la Main de Dieu garantira leur absolution. Si c’est un meurtre, il faudra verser une compensation à l’Eglise pour assurer que la vie prise soit bien accueillie là où elle doit l’être. Le tueur peut être pardonné, contre revenu et donations pieuses à ma personne…

Mais lui, cet homme, qu’attend-il de moi ? Que me veut-il ? Au ton de sa voix, il est clair qu’il sait ce qu’il veut, et qu’il s’adresse à la bonne personne pour ce faire… Aussi, quand il énonce le désir de se promener dans les silencieuses allées de l’Eglise, je ne peux me résoudre à lui refuser, et me lève de ma chaire pour sortir du confessionnal sombre. Il se lève presqu’en même temps que moi, et son visage s’offre à moi. Un visage connu de tous les religieux des alentours, un visage qu’on ne peut oublier. Sans volonté, mon genou droit ploie et cogne durement le sol en pierre de l’Eglise, alors que je baisse la tête pour baiser la bague arborée par la main de l’homme : Le Cardinal Knox.

« Mon père… C’est un honneur que de recevoir votre visite. Mon âme vous est dévouée, et confiée par Dieu entre vos mains. »

Puis, je me relève, sans le regarder directement dans les yeux, dévoilant mon visage blanc et meurtri sous ma capuche de bure.

« Qu’attendez-vous de moi, monseigneur ? »

Le silence dans lequel le prêtre se lève me laisse à penser qu’il a effectivement de nombreuses pensées qui défilent dans sa tête. Lorsqu’il sort du confessionnal en même temps que moi, sa surprise me laisse penser qu’il pensait évaluer la situation dès qu’il aurait connaissance de la personne en face de lui mais son calme également me montre qu’il avait déjà en idée qu’il ne devait pas m’être hostile. Je tends la main respectueusement pour qu’il embrasse la bague qui enserre mon doigt, symbole de mon autorité. C’est quand il se relève que m’est révélé pour la première fois son visage. Et, c’est important de le préciser, celui-ci me fit une grande impression. De surprise ou d’horreur, je ne saurais trop dire mais ce n’était pas un visage des plus communs. Un visage blanc, tout comme ses cheveux, d’un blanc qui ne rappelle ni la pureté ni la mort mais plutôt l’aspect poudreux de la craie. Cette pâleur est d’autant plus marquante que de nombreuses cicatrices taillent dans ce visage de profonds sillons.

Finalement, peut-être étais-je plus impressionné que lui de la personne que j’avais en face de moi. Le doute s’était d’une manière effacé en moi quand j’ai vu ce visage si profondément marqué et cet air si sévère. Cet homme-là n’avait rien des hommes d’Eglise jovials aux pommettes rosées par l’alcool comme en sont peuplées nombre de petites églises. D’un côté, cela s’expliquait facilement. Basin n’était pas une petite bourgade de gens bons et pieux. Le personnage était donc à la hauteur de sa réputation. Cela influença donc mon opinion et la tournure que je pourrais donner à cette conversation. Je ne pense pas qu’il soit désormais utile de prendre des pincettes. C’est donc avec mon air le plus sérieux que j’offris une réponse à ce visage pâle.

Ce que j’attends de vous … est, comment dire, en-dehors de vos fonctions habituelles.

J’appuie ces paroles d’un regard entendu.

Cette ville, Basin City, rebaptisée Sin City à cause de sa réputation, semble avoir été oubliée de Dieu. Plutôt devrais-je dire, la ville a oublié son Créateur et pourquoi alors s’intéresserait-il à ce souk, à ce trou à rats, cette antichambre de l’Enfer ? Ici, tout n’est que péché comme si tout le mal du monde avait trouvé un endroit pour se loger. Que doit-on faire alors quand un tel endroit existe sur ce monde, ce miracle divin ? Doit-on le laisser pourrir et empoisonner petit à petit le monde autour ? Ou doit-on au contraire éradiquer cette vermine, la purifier ?

En prononçant ces mots, je fais les cent pas dans l’allée obscure faisant vibrer ma voix et résonner mes mots par des gestes passionnés.

C’est là que je voulais en venir. La purification. Je pense que c’est à nous, hommes d’Eglise plus qu’à n’importe qui qu’est dédiée cette entreprise. Répandre la parole de Dieu sur Terre est notre destinée, notre vie. C’est dans cette optique que doit régner un ordre nouveau dans cette ville. Il n’est plus possible pour nous de nous taire et de laisser agir aveuglément la violence et les passions dans cette ville qui est nôtre et que l’on aime car elle est notre berceau, notre terre.

Mes yeux se plantent à nouveau dans ceux du prêtre.

Mon père, je ne sais pas si les rumeurs à votre sujet sont fondées mais si vous entendez mon message, pas seulement si vous l’écoutez mais si vous l’entendez, j’aimerais vous associer à cette entreprise.

[HRP: Désolé pour le retard, j'ai été fort pris par mes examens...]

Le Cardinal sait visiblement ce qu’il fait ici, et aussi à qui il s’adresse. Cela ne fait aucun doute, il me connait. Pas directement, certes, mais suffisamment pour savoir que je ne suis pas que le prêtre confesseur de l’Eglise St Patrick, église peu peuplée et désertée des foules pieuses inexistantes dans cette ville maudite par les Démons Inférieurs aux vices nombreux et impardonnables. Il sait que je suis un croyant fidèle, une arme dévouée de Notre Seigneur, Père Eternel qui veille sur nous à chaque instant. Cet homme au regard sombre et à la face marquée de rides sévères me connait sous un visage de fanatique exalté plus que comme un pieu et paisible ascète serviteur de Dieu. Ça n’est pas plus mal en soit. Je lui accorde ma confiance pourvu qu’il ne trahisse pas sa Foi et ses engagements ecclésiastiques. Il doit donc savoir ce que je suis, la mission qui m’est conférée sur cette terre, dans cette cité… et je ne dois pas faire ombrage à cette connaissance.

Marchant sous les arches de pierres du lieu de culte, cénacle de bien peu de messes, j’écoute ses mots avec attentions. Il les prononce avec un effet de discours maintes et maintes fois répétés, ou réfléchis soigneusement. Son phrasé ne tient pas lieu d’une exclamation hasardeuse ou directe et irréfléchie. Il sait ce qu’il veut, et ne va pas par quatre chemins pour me le dire. Le contenu de son message est clair, bien que peu concret : La ville du Vice, Sin city, a grand besoin d’un nettoyage. Mais ça n’est pas tant l’eau bénite et les crucifix que les winchesters et autres fusils à pompe qui nous aideront dans cette entreprise. Nous sommes à Basin, la lumière divine n’atteint que trop rarement les prières des pieux de la ville, et Dieu doit retrouver sa place parmi les hommes, quels qu’ils soient, simples habitants sans intérêt ou crapule exécrable, flic ripou ou loyal à son code de police, pute ou sainte : tous passeront devant le jugement divin, et tous doivent dès à présent rendre compte de leur âme à Dieu en se confiant à lui.

Ce que me propose le Cardinal Knox, c’est une évangélisation d’un nouveau genre : là où la parole divine et les dons généreux aux peuplades païennes ont toujours fonctionné, ici, les seuls dons seront du plomb dans la tête et des membres brisés par des lourds crucifix.

Et pourtant, dans les mots du Cardinal, il y a un je ne sais quoi qui cloche, une ignorance à mon égard. Là où, il y a quelques secondes, je l’aurais cru omniscient comme notre puissant Créateur, le voilà qui présente une faille dans la connaissance de ma personne. Il me propose son marché en affirmant qu’il s’agit là d’entorses à mes fonctions habituelles. Ainsi, le Magnat ignore sans doute tout de mon œuvre : les indulgences payantes, le Pardon de Dieu contre de l’argent, et la garantie d’une foi sans faille.

Je me tourne vers lui, ses yeux sont fixés dans les miens, et je le perce tout autant de mon regard laiteux et inquiétant, empli de folie. À nulle cause, nul profit, et c’est pour Dieu que j’œuvre dans mon confessionnal. C’est autre chose que cet homme a à me proposer, aussi décide-je de laisser de côté mon affaire personnelle pour l’instant. Il est inutile qu’il sache, je ne sais s’il pourrait comprendre, pas encore… pas encore…

Ma voix se tire alors des nimbes de ma gorge profonde et je réponds le plus simplement possible à sa demande, sans le quitter du regard un instant, le fixant avec persévérance, froideur et respect.

« Monseigneur, vous vous êtes adressé à la bonne personne. »

Je laisse le silence s’installer trois secondes tout en continuant à le fixer intensément. Nos pas se sont arrêtés près de l’eucharistie, et j’avance d’un pas vers lui pour murmurer plus bas, discrètement, parfaitement conscient que ma proximité peut le mettre mal à l’aise, comme souvent avec les gens, quels qu’ils soient…

« Dites m’en plus… Comment procéder, par où commencer ? Qu’attendez-vous d’un serviteur du Tout Puissant ? »